A l’occasion du 75e Festival de Cannes, Ecoprod a lancé le prix Ecoprod destiné à valoriser un film et son équipe ayant mis en place une démarche d’éco-production la plus ambitieuse possible.
Un jury composé de quatre personnalités, familières avec les thèmes de l’écologie et de l’audiovisuel, ont ainsi départagé 10 films pré-sélectionnés pour recevoir cette distinction. Parmi elles, Magali Payen, productrice et fondatrice du mouvement On Est Prêt, Pascal Signolet, fondateur du festival Atmosphères, Pauline De Boever, co-fondatrice de Cosmos - culture et écologie, et Benjamin Bonnet, producteur et fondateur de Mood Films production.
Le 26 mai 2022, sur la plage du CNC, deux longs-métrages ont été récompensés pour leur prise en compte des défis environnementaux dans leur production :
- Le prix Ecoprod a été attribué au film La Cour des miracles, réalisé par Carine May et Hakim Zouhani, et produit par Haut et Court.
- Le film Under the fig trees (Sous les figues), réalisé par Erige Sehiri, et produit par Henia production et Maneki Films, a reçu le prix du jury Ecoprod.
L’éco-production en action sur le tournage de La cour des miracles
La cour des miracles, en sélection officielle et projeté dans le cadre du Cinéma de la Plage, se déroule dans une école primaire en banlieue parisienne. Pour sauvegarder la mixité sociale de son école, Zahia s’associe à Marion, une jeune instit’ dynamique, pour créer la « première école verte » de banlieue.
A la demande des réalisateurs très engagés sur l’écologie, de nombreuses actions ont été mises en place, et ce, dès l’écriture. L’ensemble de l’équipe a été mobilisée tout au long de la production et a été accompagnée par Secoya éco-tournage autour de huit thématiques pour une production durable (Alimentation, Déchets, Énergie, Mobilité, Achats Responsables, Impact Carbone, Impact Social et Communication).
Le jury a également tenu à souligner l’engagement de longue date de la société de production Haut et Court. “Ce prix permet de distinguer cette maison de production, de distribution et d’exploitation, qui se montre particulièrement exigeante et novatrice dans ces trois domaines en termes d’attention portée à l’écologie”, souligne Pauline de Boever. Une autre production Haut et Court, La Nuit du 12 de Dominik Moll, était également sélectionnée pour le prix Ecoprod.
La productrice du film, Carole Scotta confirme cet engagement: « Le respect de l’environnement et le développement durable sont aujourd’hui au cœur de la démarche de production de Haut et Court. En ce sens, La Cour des Miracles est la preuve qu’il est possible de se placer dans une démarche écologique et responsable sur un film ambitieux et grand public, et qu’il est possible de construire des nouveaux récits positifs et inclusifs. Nous sommes donc très fiers de recevoir ce prix qui nous encourage dans notre travail et nous pousse à accentuer nos efforts. A tous les égards, nous nous devons d’être exemplaires, en continuant de chercher de nouvelles solutions pour limiter notre impact environnemental, et de créer des récits inspirants permettant d’imaginer un futur désirable. »
Quelques exemples des mesures mises en place sur le tournage :
- Régie : mise en place d’une cantine locale s’approvisionnant en circuit court avec des produits de saison et biologiques ; un menu végétarien proposé par semaine ; utilisation d’une machine à café à grains ; achats de produits alimentaires artisanaux et bio en vrac ; pas d’emballages à usage unique et attribution d’une gourde réutilisable à chaque membre de l’équipe.
- Décoration : appel aux réseaux de l’économie sociale et solidaire (EMMAÜS, la Recyclerie ou le RESSAC (réseau des ressourceries artistiques et culturelles) ; emprunts de certains éléments de décor (matériel prêté par l’école dans laquelle l’équipe a tourné) ; récupération des matières premières (bois, peinture, etc) et attention particulière portée à l’issue du tournage aux objets et meubles en les donnant pour allonger leur cycle de vie.
- Energie : utilisation de branchements forains pour réduire les besoins en groupe électrogène.
- Transport : choix d’un lieu de tournage quasi-unique et accessible en transports ; valorisation des transports en commun ou du covoiturage ; lieu de tournage qui a servi de lieu de stockage pour éviter l’utilisation de camions ou le transport de matériel et utilisation d’un vélo cargo triporteur électrique pour tous les achats/enlèvements de l’équipe régie, réduisant ainsi l’utilisation des voitures ou camions.
- Déchets : partenariats avec “Fin de Déchets” pour la gestion des déchets et le recyclage sur le plateau et à la cantine, et “Green Minded” pour recycler les mégots de cigarettes ; suppression du plastique à usage unique et recours au vrac pour réduire les déchets.
L’éco-production en action avec l’équipe de Under the fig trees (Sous les figues) récompensé par le prix du jury Ecoprod
Under the fig trees (Sous les figues), présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, se déroule au milieu des figuiers, pendant la récolte estivale, où de jeunes femmes et hommes cultivent de nouveaux sentiments, se courtisent, tentent de se comprendre, nouent - et fuient - des relations plus profondes.
De nombreuses initiatives ont été mises en place sur ce tournage. Le film a d’ailleurs été réalisé en équipe réduite, uniquement les chefs de postes nécessaires ont été appelés à travailler sur ce projet, et la parité a été respectée.
L’éco-production s’inscrit là aussi dans une démarche générale, pensée en amont du tournage.
“Nous avons tenu aussi à distinguer Sous les figues, de la réalisatrice et productrice franco-tunisienne Erige Sehiri, pour la sobriété générale dans laquelle le film a été pensé, dès son écriture, et tourné en équipe réduite.” explique Benjamin Bonnet, membre du jury.
Magali Payen souligne aussi l’attention portée par l’équipe à la biodiversité lors du tournage : “Nous avons également apprécié le travail de sensibilisation mené auprès des équipes au sujet des vergers et des arbres, éléments clés du film.”
Parmi les exemples d’actions menées sur le tournage :
- Régie : utilisation de produits locaux ; valorisation des plats à base de légumes ; démarche pour éviter le gaspillage en commandant le nombre exacte de repas nécessaires.
- Décoration : choix d’un décor unique ; utilisation limitée d’accessoires ; sensibilisation des équipes à la faune et la flore environnante sur le tournage ; les figues utilisées sur le tournage ont été cueillies et non achetées auprès de vendeurs extérieurs ; réduction de l’utilisation de costumes (vêtements de figurants) ou achats en fripes ; réduction de l’usage de cosmétiques et des accessoires assimilés (cotons, lingettes, etc).
- Energie : réduction et optimisation de l’équipement utilisé (une caméra, pas de machinerie, lumière naturelle utilisée seulement, deux ordinateurs pour la production).
- Transport : réduction des trajets grâce à la proximité entre le logement et l’unique lieu de tournage; organisation de transport collectif et de covoiturage des équipes artistiques et techniques; et les équipes sont restées sur place pour éviter les allers-retours inutiles.
- Déchets : suppression des objets en plastique à usage unique (utilisation de vraie vaisselle) ; organisation autonome du ravitaillement en eau (sur le tournage, durant les repas et dans les hébergements) ; utilisation de gourde par tous les membres de l’équipe; réduction de l’utilisation de papier (aucun scénario ou planning imprimés n’a été distribué).
En remettant cette distinction à Cannes, ECOPROD espère faire connaître l’éco-production à un plus large public, propager les pratiques éco-responsables sur les tournages et dans toutes les étapes d’une production, quelle que soit l'œuvre.
Il est temps d’adapter notre activité aux enjeux environnementaux auxquels nous faisons face et de remettre en cause l’idée selon laquelle l’éco-production serait une entrave à la création.
